Crise sanitaire et dispositif de retraite collective
En ces temps de crise sanitaire, les entreprises font face à de nombreux challenges en matière de politique d’avantages sociaux. Quelles décisions ont-elles prises concernant leurs dispositifs de retraite collective ? Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour continuer à fédérer les salariés après la crise ? Décryptage, réponses et conseils de nos experts.
Quelles sont les principaux challenges rencontrés par les entreprises pendant cette crise ?
Cette crise a amené les entreprises de toutes tailles à faire face à deux challenges :
- Répondre aux impératifs économiques induits par la crise sanitaire (baisse importante du chiffre d’affaire, fermeture de site, mise en place du télétravail…).
- Continuer à faire vivre l’esprit d’entreprise, pour un grand nombre, hors des murs ou à distance.
La situation économique de certaines entreprises a également généré des questions quant à un report possible des cotisations obligatoires prévues au sein des régimes de retraites de type Article 83. En effet, certaines entreprises se sont saisies des mécanismes proposés par l’Etat en matière d’activité partielle indemnisée ou de report des charges tandis que le paiement des cotisations aux organismes assureurs restait à leur charge.
Nous avons donc été sollicités au regard des modalités :
- de calcul des cotisations des salariés en chômage partiel,
- de report des paiements de cotisations,
- d’informations auprès des organismes assureurs et des représentants du personnel.
- Soit par l’intermédiaire d’une information auprès des organisations syndicales/CSE si le régime a été mis en place par accord ;
Les solutions apportées aux clients ont été étudiées au cas par cas afin de ménager les deux enjeux évoqués : maintien des bonnes relations sociales dans l’entreprises sur le sujet des avantages sociaux et impératifs économiques liés à la crise.
Quels sont les éléments essentiels à retenir concernant le chômage partiel au regard des régimes de retraite supplémentaire ?
Notre préconisation a été de maintenir les régimes de retraite tels qu’existants avant la crise. Notre conseil s’appuie, par ailleurs, sur des échanges réguliers avec différents cabinets d’avocats spécialisés en droit social et droit du travail. Notre lecture commune rappelle que le régime fiscal et social de faveur des dispositifs de retraite supplémentaire est conditionné à leur caractère collectif et obligatoire. Cette position s’appuie sur la circulaire de la Sécurité sociale du 30 janvier 2009, évoquant plus largement le maintien des régimes de protection sociale pour les salariés dans des situations similaires.
La plupart de nos clients proposant des régimes de retraite supplémentaire ont continué à cotiser y compris pour les salariés en activité partielle.
De plus, en fonction des entreprises et de l’impact de la crise sur leurs activités, nous avons pu constater que l’assiette de calcul des cotisations s’établissait soit a minima au niveau de l’indemnité versée au titre du chômage partiel, soit en considérant la rémunération habituelle du salarié. Nous rappelons qu’un changement dans l’assiette de calcul des cotisations doit être intégré à la Déclaration Sociale Nominative afin d’être prise en compte par les organismes assureurs.
Les entreprises ont-elles envisagé d’interrompre les cotisations aux régimes retraite en raison des effets économiques de la crise ?
Non, la majorité des entreprises n’a pas entamé de démarches de suppression d’avantages sociaux et ont témoigné d’une volonté de maintenir ces dispositifs notamment dans la perspective d’une reprise de l’activité qui mettra à forte contribution les salariés.
Néanmoins, certaines d’entre elles, parmi les plus durement touchées par la crise, nous ont sollicités avec un projet de report des paiements de cotisations retraite supplémentaire.
Dans le cadre de notre devoir d’accompagnement, il a été nécessaire d’exposer les implications d’un tel report :
- Une information obligatoire des salariés bénéficiaires précisant la date de reprise des investissements (avant la fin de l’année fiscale) et le sort de la part éventuellement prélevée aux salariés :
- Soit par l’intermédiaire d’une information auprès des organisations syndicales/CSE si le régime a été mis en place par accord.
- Soit directement auprès des bénéficiaires, si le régime a été mis en place par DUE, en n’omettant pas d’informer également le CSE.
- Soit directement auprès des bénéficiaires, si le régime a été mis en place par DUE, en n’omettant pas d’informer également le CSE.
- Une information auprès de l’organisme assureur quel que soit le formalisme de mise en place
A noter que le maintien des cotisations a d’autant plus été plébiscité lorsque le régime prévoyait une participation des salariés aux cotisations déjà prélevées sur les paies du premier trimestre.
Nous rappelons également qu’un report des cotisations implique généralement, de la part de l’assureur, la suspension provisoire des traitements de dossiers de liquidation (départ en retraite ou déblocages anticipés) en attente du paiement du complément.
Les prises de décisions des entreprises pendant cette crise annoncent-elles des changements de fonds des politiques d’avantages sociaux en matière de retraite ?
Certes, nous pouvons raisonnablement imaginer que les budgets octroyés aux avantages sociaux risquent de souffrir des résultats en berne de certaines entreprises. Néanmoins, la volonté de soutenir les salariés dans leur effort d’épargne en prévision de leur départ en retraite reste un axe fort des politiques d’avantages sociaux.
Dans cet environnement économique potentiellement contraint, nos préconisations aux entreprises se situent sur le terrain de l’optimisation de tous les aspects des régimes de retraite :
- Révision des conditions tarifaires
- Dématérialisation et lisibilité des communications
- Accompagnement des salariés grâce à des simulateurs ou des outils d’aide aux décisions de placements
- Actualisation des supports financiers pour une meilleure lisibilité et un objectif de performances accrues sur le long terme
La seconde partie de l’année 2020 pourrait donc permettre aux responsables d’avantages sociaux de repenser leurs dispositifs en prévision d’une année 2021 certainement moins généreuse en participation et intéressement du fait d’une possible baisse des résultats 2020.
Ces pistes d’optimisation ne sont pas nécessairement synonymes de mobilisation d’un budget conséquent et, dans certains cas, peuvent générer des économies sur le plus long terme.
D’après vous, quels seraient les moyens concrets à mettre en œuvre pour continuer à fédérer les salariés après cette crise ?
Nous pouvons raisonnablement nous attendre à une baisse des budgets des avantages sociaux combinée à une baisse des enveloppes d’intéressement et de participation versées en 2021. Néanmoins, les entreprises ambitionneront de fédérer leurs salariés autour de leurs objectifs d’après-crise.
Nous pensons que la Loi Pacte (mise en œuvre au 1er octobre 2019) reste un excellent outil d’optimisation des régimes existants permettant d’annoncer de « bonnes nouvelles » aux salariés et ce, à « moindre coût » pour l’entreprise. La Loi Pacte a participé à une progression importante des encours d’épargne retraite en 2019. De plus, la situation des régimes de retraite par répartition et leur possible réforme (suspendue en raison de la crise sanitaire) demeurent des sources d’inquiétude pour les salariés ainsi que pour les entreprises dans une vision de moyen à long terme.
Par ailleurs, il existe depuis plusieurs années une vraie demande relative à l’investissement répondant à des critères extra financiers tels que les critères environnementaux ou socialement responsables. Cette tendance sera renforcée à notre sens et permettra aux entreprises de renforcer le dialogue social.
En conclusion, l’après-crise pourrait être synonyme d’adaptation des politiques d’avantages sociaux aux nouveaux enjeux des entreprises.